La faïence aux enchères

Nevers, berceau de la faïence française

À la fin du XVIᵉ siècle, Nevers est étroitement liée à la figure de Louis de Gonzague, élevé à la cour de François Ier et marié à Henriette de Clèves. Conformément à l’idéal du couple princier de la Renaissance, tous deux encouragent activement les arts et les nouvelles industries, en particulier celles venues d’Italie. Après 1589, devenu surintendant des finances et proche d’Henri IV, Louis de Gonzague aurait contribué à orienter la politique française en faveur du développement commercial et des manufactures naissantes, politique que Sully poursuit après sa mort en 1595.

À partir de 1572, le duc Louis de Gonzague favorise l’implantation à Nevers d’artisans italiens, en faisant d’abord venir des verriers d’Altare, reconnus pour leur expertise. Leur présence attire d’autres compatriotes, parmi lesquels Dominique Conrade, installé avant 1578, qui contribue probablement à la venue d’Augustin Conrade (puis ses neveux), originaire d’Albisola et considéré comme le fondateur de la faïence nivernaise après son arrivée en 1584. Augustin Conrade et Pierre Perthuys, potiers italiens au nom francisé installés à Nevers, passent alors un contrat « en l'art de la poterie ».

Antoine Conrade - Faïence 1644
Conrade, Antoine (1604 - 1648), Peintre sur céramique ; Faïencier
Antoine Conrade - Faience - 1644
Gaston Le Breton , Rouen (until 1910; sold as part of the Le Breton collection to Jacques Seligmann for Morgan); [ Jacques Seligmann , as agent for Morgan, 1910 ] ; J. Pierpont Morgan , London and New York (1910–d. 1913; to his son, J. P. Morgan Jr.); J. P. Morgan Jr. , New York (1913–17; given by him in his father's name to MMA)
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Actifs entre Nevers et Lyon, ces faïenciers développent rapidement un commerce tourné vers Paris, comme en témoigne le contrat conclu en 1609 avec un marchand de la capitale. Au début du XVIIe siècle, peu avant la mort du fondateur Augustin Conrade, en 1612, il y avait déjà cinq ateliers à Nevers. Il y en avait sept en 1626 et huit en 1640, faisant de cette ville le lieu d'une concentration unique de la fabrication de faïence en France.

Symboliquement, et c'est là un point très révélateur du rôle historique de cette ville, c'est à propos de la production dont Nevers était alors le principal centre que l'on prit l'habitude d'employer le terme de fayence pour désigner la céramique que nous continuons à appeler ainsi.

En effet, Jules Gambin, originaire de Faenza, est dit « potier en vesselle de couleurs » à son arrivée à Nevers en 1584, et le contrat de 1588 ne parle que « d'association de poterie blanche ». Ce n'est qu'après 1600, et de plus en plus fréquemment entre 1605 et 1610, que le mot apparaîtra dans les actes, dans les expressions « vesselle blanche fasson de fayence », « vesselle », « œuvre » ou « terre » « de fayence ». D'après du Broc, Dominique Conrade est qualifié de « potier en vaisselle de faïence » dès 1602. De même, par une lettre de 1644, le roi fera d'Anthoine de Conrade son « fayancier ordinaire ».

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La faïence en France au XVIIe siècle

Au cours de la première moitié du XVIIe siècle, la faïence, en France, s'installe peu à peu et de manière définitive. Elle acquiert un nom, et son statut est celui d'un produit de luxe. Elle semble surtout être diffusée à partir de Nevers qui occupe pendant cette période une première place incontestée.

Les structures de production, qui étaient à l'origine de petits ateliers conçus sur le modèle de la boutique italienne, le plus souvent dirigés par des artisans transalpins et n'occupant que quelques ouvriers, se multiplient et deviennent plus élaborées.

La politique économique de Colbert s’inscrit dans un mercantilisme classique fondé sur l’idée que « le commerce est le seul moyen de s'enrichir et de devenir puissant ». Son objectif est de limiter les importations et de développer en France les industries encore inconnues, tout en stimulant la production et l’exportation. Dans la continuité d’Henri IV, il renforce les secteurs déjà établis, en particulier le textile — alors dominant — qu’il soutient sous toutes ses formes. Colbert vise également à encourager l’agriculture et à développer la métallurgie ainsi que d’autres branches considérées comme stratégiques. Il accorde une importance particulière aux productions de luxe telles que la verrerie, les glaces et la faïence, perçues comme des industries modèles. Pour atteindre ces objectifs, il promeut la création de manufactures capables d’imiter les produits importés et souhaite même faire venir des artisans étrangers pour introduire en France les savoir-faire techniques de Hollande et d’Italie.

Sous le ministère de Colbert, de 1661 à 1683, la faïence reste somme toute une idée assez nouvelle, mais semble avoir tout particulièrement bénéficié du dynamisme volontariste de la période.
Sous le ministère de Colbert, de 1661 à 1683, la faïence reste somme toute une idée assez nouvelle, mais semble avoir tout particulièrement bénéficié du dynamisme volontariste de la période. La production de faïence allait connaître une nouvelle impulsion, passant même dans certains cas du stade artisanal médiéval à celui d'une activité de type véritablement préindustriel.
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Colbert le détonateur ?

Ainsi, dans les décennies qui suivent l'arrivée de Colbert au pouvoir, les manufactures de faïence vont se multiplier, non seulement dans les régions où elles n'étaient pas encore implantées mais aussi dans des villes proches des grands centres faïenciers naissants, dans le but de les concurrencer. Le plus souvent, on fait appel, pour lancer ces nouveaux établissements, à des transfuges des centres les plus expérimentés : Nevers, Montpellier et Rouen principalement. L'apparition de nouvelles manufactures correspond bien, dans le dernier tiers du XVIIe siècle, à une utilisation de plus en plus répandue de la faïence : la mode s'en propagea rapidement. La fin du siècle voit alors se mettre en place de véritables infrastructures préindustrielles...

Tandis que la porcelaine tendre française fait ses toutes premières apparitions, d'abord à Rouen dès 1673, puis à Saint-Cloud peu après, la faïence se banalise de plus en plus.

Les édits somptuaires

De nombreux historiens de la faïence, tentant d'expliquer ce développement spectaculaire, ont voulu y voir une cause conjoncturelle dans les « édits somptuaires » par lesquels Louis XIV ordonna, à trois reprises, en 1689, 1699 et 1709, la fonte de la vaisselle de métal précieux, dans le but de renflouer les caisses d'un trésor très appauvri par les nombreuses guerres. Saint-Simon, observateur de la Cour de Louis XIV va traduire, avec humour, la situation périlleuse : « Tout le monde va se mettre en faïence » . Cependant, les historiens modernes ne parlent pratiquement jamais de ces édits somptuaires, considérés davantage comme une simple anecdote.

Si, en 1709, comme l'affirme Saint-Simon, certains des grands nobles proches du roi « se mirent en faïence », c'est que, comme on l'a vu, elle était de plus en plus répandue et toute désignée pour servir d'équivalent éventuel à la vaisselle précieuse utilisée par la grande aristocratie. Il est fort peu probable que ce décret ait été à lui seul la cause d'un tel essor, même si le geste a pu avoir quelques conséquences immédiates dont certains faïenciers ont pu profiter.

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Les faïences aristocratiques

Des plats aux dimensions spectaculaires, dites Faïences aristocratiques, à décor de grand feu, vont répondre aux commandes nobiliaires. Les armoiries et décors historiés en bleu et blancs à la mode chinoise vont être les motifs de prédilection. En effet, la noblesse – marquées par les grandes enquêtes de Louis XIV, la création et la vente massive d’offices, les anoblissements financés et les obligations d’enregistrer ses armoiries – poussent les familles nobles, anciennes comme nouvellement titrées, à afficher leur rang avec ostentation.

Vers 1700. Faïence de grand feu bleu et noir. Musée du Louvre

Dans ce contexte, la faïence devient un support privilégié : les armoiries doivent être visibles. La vaisselle armoriée, aisément commandée auprès des faïenciers, permet d’orner la table tout en proclamant un statut social renforcé ou récemment acquis. La mode favorise ces pièces, d’autant plus qu’un code graphique de transcription des couleurs, adapté au décor en camaïeu bleu, rend la représentation héraldique particulièrement compatible avec les techniques de l’époque.

Les faïences populaires

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Les faïenciers, dans toutes les manufactures confondues, vont s’adapter aux goûts d’une clientèle plus bourgeoise et populaire. Un genre nouveau va se développer dans la plupart des fabriques implantées en France (voire même à l’Etranger) Il ne faut pas oublier l’histoire des ouvriers transfuges qui circulaient d’une région à l’autre essaimant leur savoir, leur manière de faire …Sans oublier la MODE, séductrice invétérée qui s’infiltrait dans les moindres recoins de nos Provinces en imposant, quasiment, à tous les faïenciers le nouveau style « dernier cri » à plagier.C’est alors qu’aux grandes pièces aristocratiques succéderont celles de nature utilitaire (écuelles, assiettes, plats à barbe, cuvettes de bidet, etc…). Tous les objets imaginables vont être reproduits en faïence populaire depuis le carreau de pavage jusqu’au sabot du paysan.

NEVERS, XVIIIe siècle . Assiette patronymique en faïence polychrome représentant Saint-Jacques. Inscription et date en dessous : "Jaque Fremie, 1784". Diam. 22.5 cm. Accidentée

Les faïences patronymiques

Cette évolution se traduit par une personnalisation croissante de la faïence, inspirée du modèle aristocratique des décennies précédentes mais désormais portée par des milieux plus modestes et centrée sur un répertoire lié au vin. Apparaissent alors des coupes et des taste-vin préalablement ornés du prénom de l’acheteur, véritables ancêtres des bols que l'on trouve dans les magasins souvenirs. Parallèlement, la période se caractérise par une forte augmentation du nombre de fabriques, une diversification des formes produites et l’émergence de nouveaux styles décoratifs, témoignant d’un élargissement du public et d’un renouvellement profond de la production faïencière.

Les faïences patronymiques spécifiques à Nevers répondaient également à des commandes passées à l’occasion d’événements divers tels : naissance, mariage, ordination. Sur la pièce, figurait un nom propre, celui de la personne pour qui la faïence était destinée, une date et enfin l’effigie du Saint Patron protecteur évoquant le nom. Dans le même ordre d’idées, il n’était pas rare d’offrir en cadeau de mariage, une faïence mentionnant le nom de chacun des époux. Pour l’Amateur ou le Collectionneur, réunir ce genre de pièce chargée de symboles est une démarche passionnante (le prix aussi).

NEVERS, XVIIIe siècle . Assiette patronymique en faïence polychrome représentant Saint-Maurice . Inscription et date "Maurice Rochoir 1787" en dessous
NEVERS, XVIIIe siècle . Assiette patronymique en faïence polychrome représentant Saint-Maurice . Inscription et date "Maurice Rochoir 1787". Adjugée 200€ chez Pastor Maison de Ventes.
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Les faïences patriotiques

De la prise de la Bastille en 1789 à l’instauration du Consulat en 1799, la France connaît une suite d’événements sans précédent qui transforment en profondeur l’organisation institutionnelle, politique, économique et sociale du pays. Durant ces dix années, les grandes manufactures du Centre et de l’Est de la France comme Nevers, Roanne, Lunéville ou le Bois d’Épense ont une activité intense de production de céramiques à décor patriotique, en écho aux événements de la Révolution.

Description: Assiette creuse, à marli relevé et à bord rond. Décor polychrome en plein. Marques, inscriptions, poinçons: Inscription - Dans un cartouche au centre : "W / la montagne / 1794". Description iconographique: Cartouche agrémenté de feuillages et de chûtes de fleurs portant l'inscription "W. la Montagne, 1794" et masquant une pique coiffée du bonnet et de deux drapeaux tricolores.

L’expression “Faïences révolutionnaires ou patriotiques" s’applique aux pièces de faïences, porcelaines, ou terre vernissée, produites entre l’été 1789 et 1794. Leur décor procède d’une iconographie directement liée aux différents épisodes de la Révolution française. Les principaux événements de 1789 se déroulent à Paris et Versailles, mais les ateliers sont majoritairement situés en province, comme par exemple à Nevers et Roanne, d’où le décalage chronologique entre l’actualité de l’époque et les décors produits. Les faïences révolutionnaires utilisent des symboles révolutionnaires facilement identifiables par une population analphabète.

Dans les principales collections publiques de faïences révolutionnaires, le thème de la réunion des trois ordres constitue 25 à 30 % de l’iconographie présente sur les assiettes ou pièces de forme attribuables aux années 1789-1794. Le type iconographique de la réunion des trois ordres se développe à partir du printemps 1789 sur de multiples supports. L’estampe s’empare du thème et le répand dans un registre satirique autour des trois protagonistes : l’ecclésiastique, le noble, le représentant du tiers-état. Ces caricatures, abondamment copiées, sont diffusées en province : elles réapparaîtront, simplifiées, adaptées par les faïenciers nivernais sur assiettes et saladiers en 1791-1792. Parallèlement, le motif du trophée composé des attributs des trois ordres (crosse, épée, bêche) apparaît. Symbolique reprise par les faïenciers du Nord, de Lorraine, du Centre et de Paris, Nevers poursuivra la production de ce décor jusqu’en 1792-1793 alors qu’il a perdu toute pertinence politique. Les faïenciers nivernais vont fournir l’essentiel de l’emblématique des trois ordres réunis

Assiette patriotique en faïence et décor polychrome. NEVERS. Assiette à bord chantourné en faïence, décor polychrome révolutionnaire au "Trésor national", daté 1791.
Assiette patriotique en faïence - Nevers - Assiette à bord chantourné en faïence, décor polychrome révolutionnaire au "Trésor national", daté 1791. Adjugée 190€ par Pastor Maison de Ventes aux Enchères
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