Au-delà des erreurs d’impression avérées, l’univers des premières cartes Pokémon est aussi traversé par des zones d’ombre et de vives controverses. Certaines anecdotes, relayées depuis plus de vingt ans, tiennent autant de la légende que du fait historique, et divisent toujours la communauté des collectionneurs.
Le cas le plus emblématique reste celui du « Prerelease Raichu ». Selon l’histoire, quelques rares exemplaires de Raichu auraient reçu par accident le tampon « Prerelease », réservé aux cartes distribuées en avant-première des tournois. Wizards of the Coast, éditeur du jeu en Occident jusqu’en 2003, n’a jamais confirmé officiellement cette bévue. Pourtant, plusieurs collectionneurs affirment détenir ces pièces « fantômes », qui s’échangent à prix d’or lorsqu’elles apparaissent sur le marché. Mais faute de documentation officielle, le débat reste entier : véritable erreur d’impression ou habile manipulation de certains employés de l’époque ?
Autre sujet de discorde : d’un côté, les puristes rappellent que les toutes premières cartes apparues au Japon en 1996 — les fameuses « No Rarity *», constituent la véritable genèse du TCG. Ces cartes, introuvables ou presque, représentent selon eux l’authentique « première pierre » de l’édifice Pokémon.
De l’autre, une large partie de la communauté occidentale considère que la véritable naissance du phénomène se joue trois ans plus tard, en 1999, avec la sortie du « Base Set 1st Edition » aux États-Unis par WotC, premier tirage commercialisé à grande échelle en dehors du Japon et avec aussi son lot d’erreurs d’impression ou de conception.
*Au Japon, les toutes premières cartes Pokémon imprimées en 1996 sont connues sous le nom de « No Rarity ». Elles se distinguent par l’absence du symbole d’édition concernant la rareté de la carte (★) habituellement présent en bas à droite de l’illustration.
Enfin, les collectionneurs s’interrogent sur la gestion des quantités imprimées lors des premières vagues de production. Combien d’exemplaires exacts des cartes « No Rarity » furent réellement mis en circulation ? Quelle fut la proportion des 1st Edition par rapport aux éditions illimitées qui suivirent ? Les réponses restent floues, tant les archives officielles sont lacunaires ou gardées confidentielles par Nintendo et ses partenaires. Cette absence de transparence nourrit une forme de mythologie.
Ces zones d’ombre, loin de freiner l’intérêt, l’ont décuplé. Depuis les années 2010, avec la professionnalisation du marché et l’arrivée de spéculateurs, les prix des premières cartes Pokémon se sont envolés.
Mais c’est durant le confinement mondial en 2020, qu’un véritable raz-de-marée s’est abattu sur le marché des cartes Pokémon : des adultes Millénials ont soudain dépoussiéré leurs anciennes collections. Les cartes ont explosé en popularité, notamment grâce aux vidéos d’ouverture de boosters massivement diffusées sur YouTube — une tendance soulignée par Business Insider, qui note « un véritable engouement durant l’année 2020, alimenté par la nostalgie, la pandémie et l’influence des créateurs de contenu ».
Chez TCGplayer, par exemple, la vente des cartes cotées à plus de 50 $ a bondi de 466 % sur cette seule année. Simultanément, les ventes sur eBay entre juillet et octobre 2020 ont augmenté de 123 % comparé à la même période un an plus tôt.
On note qu’à partir de la série Célébration, marquant les 25 ans de Pokémon, puis avec la série Poing de Fusion (Epée & Bouclier 8), la frénésie s’est encore intensifiée. Les clients se ruaient en magasin pour vider les rayons, mais la production ne suivait pas (volontairement ?), ce qui a provoqué des ruptures de stock prolongées et un emballement des prix.
Les ventes parfois spectaculaires de certaines cartes placent désormais Pokémon aux côtés de Magic: The Gathering, l’autre géant du TCG. Mais à la différence de Magic, dont les premiers tirages sont documentés avec rigueur par Wizards of the Coast, Pokémon entretient une part d’ombre qui accentue encore l’aura de ses cartes les plus anciennes.